Construire les transitions

CONSTRUIRE LES TRANSITIONS

COGITATIONS SUR LE TIERS-LIEU (2/5)

 

Cogitations sur le tiers-lieu est une série d’articles réalisée et dirigée par Léa Grac, immergée à la Cité Fertile dans le cadre de son stage de fin d’année de Master 1 Recherche en design de l’ENS Paris-Saclay. Léa Grac a choisi de travailler sur les structures de l’ESS : sa recherche porte aujourd’hui sur les relations entre sémantique, narration, ESS et tiers-lieux. L’enjeu des articles ici présentés est d’apporter un corpus théorique au projet de la Cité Fertile à travers les prémices d’une étude-action (lire la suite).

 

Construire les transitions, mais surtout nos transitions, est un des plus grands enjeux de notre siècle, qu’elles soient sociales, politiques ou environnementales. Transiter, c’est ouvrir de nouvelles voies, de nouveaux chemins vers un futur pas si lointain. Dans la conception et la construction de nos espaces, on trouve des lieux qui font et portent les transitions, qui repensent leur process au prisme d’un autre temps.

Agir dans un espace-temps définis

Le début du processus de désindustrialisation de l’Ile-de-France au milieu du XXème siècle s’est suivi d’une apparition massive de friches industrielles et d’espaces délaissés. Les industries quittent la ville pour la banlieue, et à mesure que la périphérie s’étend, les usines reculent. Longtemps laissés sur le bas côté à la vue d’opportunistes(1) en quête d’espace d’habitation de dernier recours ou d’expérimentations multiples, des projets d’urbanisme transitoire commencent à voir le jour au début des années 2010 dans des cadres juridiques sécurisés.

 

« L’urbanisme transitoire traite d’une pratique émergente dans la vie des territoires, qui s’intercale dans les brèches des projets urbains et immobiliers, et questionne la programmation des projets aussi bien que les besoins sociaux sur le terrain. Ces pratiques nouvelles constituent un véritable enjeu dans le renouvellement des méthodes de la programmation urbaine comme du projet.»

L’urbanisme transitoire, Institut d’aménagement et d’urbanisme Ile-de-France

 

L’urbanisme transitoire touche aujourd’hui les milieux institutionnels de l’aménagement, consolidant le passage d’un urbanisme très planificateur à un urbanisme plus local et expérimental. Fin 2019, l’Ile-de-France comptait déjà 80 projets d’urbanisme transitoire en cours, principalement basés sur des activités culturelles, d’agriculture urbaine et de développement territorial.

Nous vivons dans un monde qui avance en ligne droite à un rythme effréné, où de nombreux bouleversements s’opèrent (2) et modifient constamment contextes et enjeux. C’est en cela que des processus de programmation urbaine(3) prédéfinis qui s’étalent sur des temps lacunaires deviennent caduques. Travailler sur une grande amplitude de temps ex-situ augmente les risques de se retrouver complètement hors-sujet entre les enjeux à l’initiation du projet et ceux du début du chantier. Dans ce contexte, l’urbanisme transitoire se propose comme une manière de réhabiliter les lieux et les temporalités  d’un espace afin d’expérimenter et d’étudier en profondeur un lieu dans l’optique de le rendre plus cohérent et pertinent au regard du projet fixe qui suivra.

Au cœur de projet d’urbanisme transitoire ou non, les tiers-lieux font partis de ses images et imaginaires construisant la transition entre maison et travail, vers le monde d’après, vers des pratiques et des modes de vie plus responsables ; en soi, la transition entre un aujourd’hui décevant et un demain à atteindre et souvent fantasmé. Ces tiers-lieux transitionnels agrémentent donc aussi les questionnements sur la manière de (re)concevoir les projets d’aménagement du territoire et de revitalisation des espaces mis à l’arrêt. Le sociologue Antoine Burret les définit d’ailleurs comme des espaces d’entropie propices à l’expérimentation qui utilisent la ville comme laboratoire social.

 

Redonner vie aux temps « morts »

Temporaire, transitoire, éphémère, imprévu, intermédiaire, intercalaire, programmant, préfigurant ;

Si l’urbanisme transitoire est toujours temporaire, l’urbanisme temporaire n’est pas toujours transitoire. Le qualificatif temporaire peut comprendre des aménagements ou des projets d’occupation provisoires sur un temps donné, mais n’ayant pas pour objectif d’avoir un impact sur un projet urbain à venir. On parle aussi d’éphémère quand les projets se rapportent plus à de l’événementiel, principalement dans l’espace public. Dans tous les cas, on se retrouve dans le cadre de cette temporalité limitée, où il est possible de tester, d’expérimenter, de préparer le terrain en vue d’un potentiel projet urbain à venir. Ces temps dits “morts” sont donc pensés à l’échelle d’usages principalement humain; la question qui se pose ici est “comment leur redonner une fonctionnalité dans le cadre de la vie humaine?” (4).

Cette démarche de (co-)construction de deux projets partageant un même espace sur des temps différents change la manière de percevoir le déroulement d’un projet urbain. Les processus de programmation passent d’une gestion du temps monochronique à une nouvelle utilisation -et perception-  polychronique(5). La France, et les sociétés occidentales en général, ont cette tendance à s’organiser selon une perception du temps monochronique, préférant traiter une chose à la fois sur une temporalité qui serait linéaire. La démarche de l’urbanisme transitoire rompt avec cette acceptation pour s’insérer dans un temps polychronique, où l’intérêt premier est mis sur le croisement des activités, sur la création d’interactions multiples. Par sa modularité et sa rapidité, les projets temporaires peuvent répondre à des problématiques de l’urgence de manière beaucoup plus rétroactive et semer les graines d’une transformation des quartiers sur le long terme.

 

« L’urbanisme transitoire permet ainsi de sortir de l’enfermement monofonctionnel, des espaces ultra normés sans renoncer au confort et à la sécurité. Il permet également d’échapper à la production d’espaces standardisés et, au passage, économiser des ressources, matières et matériaux.»

Cécile Diguet – urbaniste et directrice du Département Urbanisme, Aménagements et Territoires de l’Institut Paris Région

  

Ces projets d’occupation temporaire s’intègrent dans un temps “hors-marché”, et permettent d’ouvrir la porte du chantier au grand public. Pour Simon Laisney, directeur général et fondateur de Plateau Urbain, l’urbanisme temporaire, transitoire, est pour lui une servitude temporaire qui doit demeurer non-marchande. Même si l’urbanisme transitoire peut s’avérer être un moyen d’optimisation foncière permettant aux propriétaires des terrains d’amortir les coûts d’entretien et de gardiennage, ou encore servir de vitrine de communication, il donne surtout l’opportunité aux acteurs du territoire d’œuvrer pour la construction de quelque chose plutôt que rien, et de s’autoriser l’échec pour mieux rebondir par la suite. En changeant de paradigme économique, de nouvelles manières de saisir le temps peuvent s’opérer à une échelle plus biologique, au plus proche du vivant de manière plus globale.  Pour l’urbanisme tout comme pour les tiers-lieux transitoires, temporaire n’est pas contradictoire avec pérennité. De nouveaux modèles économiques sont à construire à l’échelle des lieux en fonction de leurs besoins et de leurs activités. Le but premier est d’expérimenter des modèles au cas par cas, plutôt que reproduire à l’identique ce qui marche ailleurs.

Vivre et pratiquer pour faire sens

Ces projets transitoires ouvrent la possibilité d’utiliser les vides pour donner une respiration, un nouveau souffle à des lieux délaissés en tentant de réactiver de la vie locale. S’intégrant dans un contexte territorial préexistant, le projet transitoire alimente le projet urbain par un travail – commandé ou non –  sur la préfiguration des usages et l’identification des besoins. Pour l’urbaniste Patrick Bouchain, c’est dans l’usage quotidien que les choses prennent sens (6). Ce travail actif in-situ, de programmation active, ouverte, en acte, favorise la construction d’un échange approfondi entre les collectivités locales, les propriétaires et les occupants des lieux. Cela peut se modéliser par la mise en place de permanences architecturale, c’est-à-dire l’installation d’au moins un membre du projet de manière prolongée sur site pour mieux saisir le quotidien des usagers, mais aussi pour pouvoir nouer des relations de proximité avec les acteurs locaux.

 

« Une preuve par l’acte que la ville peut exister en mouvement, sans usages préalablement figés. Et qu’un projet culturel peut influer sur un quartier délaissé, sans pour autant être une pièce rapportée pour le réhabiliter, mais en symbiose avec la vie qui s’y développe.»

Patrick Bouchain – urbaniste français (au sujet du tiers-lieu de la Belle de mai à Marseille)

 

Ce travail de préfiguration des usages cherche à user du lieu pour affiner ses fonctions. Pour cela, le degré d’ouverture du lieu doit s’adapter aux usages et au(x) public(s) ciblés. L’ouverture, les usages, les usagers, tous ces aspects visent à construire une première représentation du lieu dans l’esprit des riverains qui déterminera plus tard la capacité du projet à inclure de publics isolés, délaissés.

La détermination des usages se doit d’émaner du terrain et du territoire en lui-même, mais la collectivité peut aussi ajouter à cela un cahier des charges afin de formaliser et cadrer les usages qu’elle souhaiterait voir se développer sur le territoire. Pour ce faire, plusieurs acteurs aux enjeux professionnels différents doivent interagir et construire un échange. D’un côté, les collectivités locales et les aménageurs qui œuvrent à la réflexion et à la mise en place du projet urbain final. De l’autre, ceux que l’on appellent activateurs et facilitateurs et qui agissent et interagissent directement sur le terrain. Concevoir le projet urbain, l’enrichir par l’expérience de terrain, et faire vivre ces idées : trois missions qui se succèdent et s’alimentent sur une ligne temporelle aboutissant à un enrichissement du projet urbain final et à la valorisation d’un site tout au long de son cycle de vie.

 

Faire le pont vers le futur éco quartier des Quatres Chemins

En Ile-de-France, la moitié des projets d’urbanisme transitoire se situent dans l’agglomération parisienne et en Seine-Saint-Denis. Sur ce territoire au nord-est de la capitale, c’est notamment sous l’impulsion d’Est Ensemble (7) et de son programme TempO que les projets d’occupation temporaire se développent.

 

«Le temps de la transformation de la ville est un temps long. Quand des terrains, espaces ou immeubles se trouvent libérés, plusieurs années sont souvent nécessaires pour imaginer, financer et construire les projets qui vont succéder aux usages antérieurs. Les occupations temporaires permettent de ne pas laisser des lieux à l’abandon, et de procurer aux riverains et aux visiteurs un espace de rencontres, de découverte, et d’échange sur le devenir du quartier.»

Est Ensemble

 

Localisé à la lisière du département, le projet de la Cité Fertile s’insère dans un programme d’urbanisme transitoire SNCF Immo, porté par  Sinny&Ooko et son co-actionnaire Paname Brewing Company. A l’initiative d’une expérimentation sur les tiers-lieux transitoires, SNCF Immobilier confie, depuis près de 10 ans, une vingtaine de sites à des acteurs artistiques ou de l’économie sociale et solidaire, « pour utiliser ce temps de latence de manière frugale, en ré-ouvrant le lieu à des imaginaires qui interagissent avec les habitant·es» explique Benoît Quignon, directeur Général de SNCF Immobilier.

Avec un bail de 4 ans, la Cité Fertile dispose d’un temps relativement court pour créer un espace de rencontre ouvert aux riverains du quartier ainsi qu’une transition vers le futur éco-quartier des Quatre Chemins. Pour guider ses actions, le lieu s’appuie sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés par l’UNESCO et plus spécifiquement ceux portant sur la consommation responsable, la mobilité douce, la protection de la biodiversité, l’économie circulaire, la transition énergétique et le commerce local de proximité. Pour Benoît Quignon, «L’urbanisme transitoire est un bon moyen de nous ré-entraîner à appréhender de multiples possibilités. […] Avec des solutions plus sobres, et aussi des anticipations des futurs usages, nos opérations savent intégrer les futurs habitants, et pas seulement de l’activation provisoire de site par du divertissement.»

 

Pour les collectivités territoriales, les projets d’urbanisme transitoire constituent de réelles opportunités d’expérimentation; c’est avec un soutien politique appuyé que des projets tels que celui de la Cité Fertile peuvent se perpétuer et avoir des impacts concrets sur le territoire et sur son à-venir. Si la Cité Fertile œuvre de son côté pour donner les moyens de transiter vers le futur écoquartier des Quatre Chemins, ce n’est qu’avec un dialogue ouvert avec les élus locaux qu’une véritable transition pourra s’opérer. Une indifférence de la part des administrations locales restreint le potentiel transitoire de tels projets et dilapide dans le temps la trace de leur passage sur le futur lieu; l’essence même de l’urbanisme transitoire est alors perdue et ne reste qu’en souvenir dans la mémoire de ses usagers.

Un projet initié il y a plus de 10 ans

Le projet de la ZAC eco-quartier Gare de Pantin – Quatres Chemins, initié par la commune de Pantin en 2010 puis repris par Est Ensemble en 2012, a pour ambition de désenclaver et de redynamiser le quartier des Quatre Chemins en créant 15 000 logements – dont un tiers de logements sociaux et un autre tiers à tarif préférentiel pour les pantinois – et plus de 120 000m² de bureaux. Le projet affiche une volonté de créer un cadre de vie de qualité, alliant mixité sociale et générationnelle tout en favorisant un développement économique dans un espace respectueux de l’environnement. Ce volet écologique est envisagé par une gestion alternative des eaux pluviales, une démarche d’éco-conception des espaces, et la mise en place de 5 hectares d’espaces verts continus et discontinus.

Après plus de 10 ans de négociation, une première promesse de vente conclue avec la SNCF en décembre dernier officialise un début de concrétisation du projet prévu pour 2028. Au départ de la Cité Fertile prévu en 2022, une première phase d’urbanisation des friches ferroviaires est planifiée. S’ensuivra l’achat de lots de terrains échelonnés sur plusieurs années. Dans le journal local Canal de Pantin, qui dédie dans le numéro de janvier/février 2021 une double page dédié aux Projets urbains qui feront 2021, Mathieu Monot, adjoint au Développement urbain durable, aux écoquartiers, à la commande publique et à la démocratie locale de la mairie de Pantin, est justement interrogé sur cette question des temps longs dans les projets urbains. Pour lui, il y a en effet des délais incompréhensibles dans les règles de l’urbanisme, qui sont dus à des réglementations strictes mais nécessaires. Il ajoute : «Cette crise nous oblige à revoir notre manière de regarder et de concevoir la ville , pour qu’elle reste respirable et vivable même en période de confinement. On doit s’interroger sur l’aménagement des lieux publics, en multipliant par exemple les espaces partagés et en laissant plus de place aux mobilités douces. Il faut aussi réfléchir à la réversibilité des usages dans la conception des bâtiments.»

Depuis quelques années, la politique verte de la capitale s’étend jusqu’aux portes du Grand Paris, et cette transition fait particulièrement sens à Pantin en temps que territoire au fort passé industriel. C’est ce lancement d’une nouvelle dynamique écologique et sociale que le projet de la Cité Fertile cherche à porter et à transmettre aux citoyens du quartier pendant ses 4 années d’action sur le territoire.

Les craintes de gentrification

La gentrification désigne «les transformations de quartiers populaires dues à l’arrivée de catégories sociales plus favorisées, qui réhabilitent certains logements et importent des modes de vie et de consommation différents.», engendré par des «programmes de rénovation et de réhabilitation de certains quartiers ou îlots des centres-villes, dont le bâti se trouve ainsi requalifié, provoquant souvent une hausse des prix du foncier, des loyers et favorisant ainsi la concentration de populations des catégories supérieures aux activités fortement liées aux spécialités des métropoles.».

Elle est une des formes de transition qui s’opère sur la commune de Pantin et dans la plupart des villes de la petite couronne, notamment depuis l’arrivée du métro et d’un réseau dense de transport dans la périphérie de la capitale. Si certains voient cette gentrification comme un phénomène risquant de fragmenter l’unité de cette ville populaire, d’autres soutiennent que ce renouvellement de la population est une opportunité d’accueil de nouvelles activités. En décembre 2019, dans un interview dans le Canal, journal de la ville de Pantin, Olivier Léon, directeur régional adjoint de l’Insee Ile-de-France précise que “la réalité est bien plus complexe, comme dans d’autres communes limitrophes à Paris. À Pantin, on constate l’arrivée d’une population plus jeune et plus diplômée. Mais c’est un phénomène assez lent qui n’est pas de nature à bouleverser du jour au lendemain les équilibres sociaux.”(8)

Au sein des 9 communes d’Est Ensemble, 40% de la population vit en QPV (quartier politique de la ville) et 70% des emplois hautement qualifiés sur le territoire ne sont pas occupés par des résidents de Seine-Saint-Denis. Une faible part de la population formée face à une prolifération des emplois de bureaux dans le département contribuent à un renforcement de ces écarts. Julie Lefebvre, vice-présidente en charge du développement économique, en a totalement conscience et relève qu’en effet «malgré un fort dynamisme du territoire, composé de 40 000 entreprises, essentiellement des PME et TPE, les créations d’emplois ne profitent pas aux habitants d’Est Ensemble et encore moins aux résidents des quartiers prioritaires. (9)

Longtemps laissée à l’abandon par le gouvernement, la Seine-Saint-Denis est au cœur d’un nouveau plan de relance économique et sociale. A partir de 2021, l’État veut lancer un dispositif expérimental baptisé “quartiers productifs” ayant pour objectif d’accompagner 14 collectivités françaises dans l’implantation d’activités économiques au sein des QPV. Ce plan s’accompagne de la création d’un label “Quartiers productifs” pour l’entreprenariat, la transition numérique, implantation productives, commerces, artisanat.

Les tiers-lieux et les projets d’occupation temporaire sont souvent victimes de cette crainte du processus de gentrification. L’esthétique de la palette, l’effet de mode de ces nouveaux lieux de culture et de travail collaboratif, développant une image jeune et dynamique d’un nouveau vivre ensemble parfois illusoire et utopique, peut tomber dans l’impasse d’une attraction d’un public “extérieur” et aisé. Comme l’explique l’anthropologue Saskia Cousin «Il y a une esthétique globale de la récupération, du matériau pauvre, c’est pour ça que je parlais d’un imaginaire qui puis dans une histoire plutôt précaire en fait. Par exemple, la palette dans les espaces ouverts c’est un des codes […]. Parce que c’est aussi avec ça que sont construits les bidonvilles, avec des restes de taules, des matériaux de récupérations, etc. Il y a quelque chose qui se construit; l’esthétique d’utiliser ce qui a déjà été utilisé est déjà décrite et théorisée au XIXème siècle à propos des bohémiens et de la Bohème. Ce qui est drôle c’est la façon dont ça nous fascine et ça crée un espace qui, parce qu’il est temporaire, renvoie à un imaginaire et en même temps, on ne veut pas de ceux qui utilisent ces pièces là non pas pour des raisons esthétiques mais pour des raisons de survie.»(10)

Cette esthétique du ré-emploi issue du squat et des formes de l’habitat précaire – au-delà de toute pratique écoresponsable-, renvoie également à tout un univers stylistique propre à des groupes sociaux précis. Comme évoqué dans l’article précédent, l’aménagement des espaces et les univers auxquels il renvoie, par sa vocation à l’identification, doit être dosé en cohésion avec les imaginaires des locaux.

 

«Si certains voient dans ces occupations temporaires un laboratoire de la ville de demain où s’élaboreraient mixité d’usages et démocratie horizontale, d’autres déplorent un nouvel outil de gentrification enveloppé dans un commode emballage de valeurs culturelles, écologiques et solidaires à la mode.»

Antoine Calvino, journaliste

C’est une critique dont souffre la Cité Fertile, considérée par certains comme faisant partie de ces lieux qui appuient les phénomènes de gentrification en cours en captant un public principalement parisiano-centré. Ces a-prioris ne sont bien évidemment pas sans fondements; le lieu est principalement connu pour ses événements festifs grand public, laissant en arrière-plan des actions plus locales communiquées au sein d’un réseau de proximité. Il aura fallu 3 ans d’implantation et d’expérimentation sur le territoire pour que les résidents du quartier des Quatre Chemins s’approprient la Cité Fertile. Aujourd’hui, l’objectif est de continuer d’aller en ce sens en multipliant les temps libres du lieu, faisant de la Cité Fertile pas seulement un lieu de destination précis, mais plutôt un lieu du quotidien pour les riverains.

Incarner les transitions

En tant que tiers-lieux transitionnel et scène d’une démarche d’urbanisme transitoire, la Cité Fertile se veut être vecteur d’une nouvelle manière d’expérimenter la ville, une ville plus durable et solidaire. Au cours de ces 4 années, le lieu a pu construire son discours pour la ville de demain, et le partager à tous les usagers du lieux, du professionnel venu pour un événement privé au citoyen profitant des ateliers de végétalisation urbaine. De sa physicalité à ses choix de programmation, la Cité Fertile s’offre comme une vitrine des possibles et des alternatives responsables.

 

« Au delà du constat et de la prise de conscience d’une planète en danger, il s’agit de créer un cadre émotionnel en complément du cadre rationnel dans le but de favoriser l’empathie, l’enthousiasme, la prise d’initiatives, l’engagement, la coopération, pour une meilleure prise en compte de la nature. Il faut approcher l’écologie autrement qu’à travers le seul discours scientifique et y associer d’autres dimensions, s’y frotter par l’observation, le toucher, les odeurs.»

Manuel d’écologie urbaine

Développer une programmation éco-culturelle

En tant que tiers-lieu culturel, la Cité Fertile se penche vers une programmation ouverte mais aussi ciblée sur des enjeux environnementaux. Sur le lieu, on parle d’ailleurs d’une programmation éco-culturelle, néologisme englobant à la fois l’éco– d’écologie, mais surtout l’éco- d’écosystème. Cet écosystème dont il est question peut se déployer à plusieurs échelles; écosystème de Sinny&Ooko, écosystème territorial, associatif et surtout l’écosystème au sens de société du vivant, de collectivité naturelle. L’intention première de cette programmation éco-culturelle est de tenter de se mettre au service de l’écosystème humain, végétal, animal qui se trouve autour et qui a besoin d’être défendu.

Pour Simon Rossard, responsable de la programmation éco-culturelle chez Sinny&Ooko, c’est là une programmation qui dans son intention veille à avoir du sens non pas au regard d’un individu ou d’un groupe d’individus, mais au regard d’un écosystème où la programmation a lieu. Pour lui, la nature fait partie de la culture, et dans un monde idéal, le préfixe éco- ne serait donc pas nécessaire. Son constat reste toutefois que la nature a disparu de la culture dans notre société occidentale; sa réhabilitation dans le cercle culturel devient dès lors lutte. Chez Sinny&Ooko, ce combat passe donc aussi par des petits symboles, comme ce “éco” d’éco-culturel, ou comme l’ajout du E* à l’acronyme ESS (Economie Sociale et Solidaire, *E pour Environnementale) Simon Rossard ajoute, “c’est une façon de combattre aussi que d’ajouter des préfixes et d’utiliser des néologismes, on combat par les mots et par conséquence, on enclenche les idées”.

Cette programmation prend vie par l’organisation et/ou l’accueil d’événements dit à impact, définis comme étant un événement qui est susceptible de susciter chez son spectateur un point de bascule. Issues d’initiatives entrantes comme le festival MSF – Ouvrons les débats organisé par Médecins Sans Frontières à l’occasion des 50 ans de l’organisation, ou sortantes comme la Fête du Pain imaginée par les équipes de programmation du site, ces événements sont appuyés par la recherche d’un ancrage local visant à intégrer les acteurs et les résidents du territoire. Ce territoire se décline sous plusieurs échelles; de grands événements comme Le Conseil National des Tiers-lieux, La Coop 1, le Salon du Vrac ou le festival Empow’Her peuvent rayonner au sein du Grand Paris voire de l’Ile-de-France, d’autres se limitent plutôt au département de la Seine-Saint-Denis. La vocation de l’ancrage territorial est de se concentrer spécifiquement sur le quartier des Quatres Chemins, la commune de Pantin et dans une certaine mesure, les communes voisines.

Après ce travail de fond sur programmation, vient la question de la forme, et plus spécifiquement des pratiques à adopter pour la tenue d’un événement qui soit le plus responsable possible. Pour l’organisation de chaque événement sur lieu, que ce soit de la programmation ou de la privatisation, les organisateurs de l’événement sont encouragés à suivre la Charte éthique et solidaire : guide de bonnes pratiques pour votre événement public ou privé plus responsable, réalisée par Sinny&Ooko.  Cette charte regroupe un ensemble de bonnes conduites à adopter afin de réduire au plus possible les déchets produits, les transports aux impacts carbones élevés et les installations énergivores et se déploie en 6 thématiques :

      1. Supports de communication et marketing (ex : éviter la distribution de goodies en plastique jetables, de papiers)
      2. Logistique et transports (ex : limiter l’usage de transport à essence, privilégier les transports en communs et mobilités douces)
      3. Son, lumières, aménagements (ex : utilisation du matériel déjà sur place, de LED, de signalétique et décoration réutilisable)
      4. Traiteur (ex : offre locale, végétarienne)
      5. Déchets (ex : tri sélectif)
      6. Engagement social et environnemental (ex : diffuse un message sur la transition écologique)

 

Les régisseurs des lieux évaluent par la suite les impacts des événements organisés à La Cité Fertile pour dresser un état des lieux des pratiques des organisateurs. Cette charte est au cœur des réflexions en interne chez Sinny&Ooko, afin de tendre de plus en plus vers l’organisation d’événements festifs “sains”. En ce sens, l’urbanisme transitoire est une réelle opportunité pour tester continuellement de nouveaux modes de fonctionnement.

Faire preuve de résilience en temps de crise

L’arrêt de l’activité économique pendant plus de 5 mois de la Cité Fertile dû aux confinements successifs fut un réel coup dur pour ce projet déjà limité dans le temps. Malgré ces ralentissements qui ont signé la mise en pause des activités lucratives du lieu, financé grâce aux recettes de la privatisation événementielle, de la vente de boissons et la restauration, le lieu s’est mis entièrement à disposition des initiatives solidaires liées à la crise, accueillant des associations locales ou ONG, oeuvrant pour les habitants du quartier. L’un des inconvénients des projets transitoires longs est la difficulté à constituer un modèle économique sur le long terme, pari relevé par la Cité Fertile et les équipes de Sinny&Ooko, qui proposent un modèle économique enseigné au Campus des Tiers-Lieux, reposant la mise en place d’une économie mixte d’activités lucratives et non lucratives.

Sans être donc complètement à l’arrêt, la Cité Fertile a su faire preuve de résilience en cette crise sanitaire en adaptant ses usages en adéquation avec son contexte. Le lieu est devenu un espace de fabrication, de collecte et de dépôt. De fabrication d’abord, avec la réalisation d’environ 3000 masques sanitaires à destination des professionnels non soignants de Seine-Saint-Denis avec l’association Pantin Family lors de la première vague de l’épidémie en mars dernier.  Collecte ensuite, avec la mise en place d’une collecte de jouets dans le cadre de l’opération “Pères Noël Verts” avec le Secours Populaire de Paris et l’installation d’un point de don fixe de protection hygiénique avec l’association Règles élémentaires pour lutter contre la précarité menstruelle. Dépôt pour finir, par la mise à disposition d’entrepôts pour les collectes alimentaires menés par le Secours Populaire.

Le lieu, fermé au grand public, est resté ouvert aux actions solidaires dans une période où elles deviennent plus nécessaires que jamais. C’est dans ce contexte qu’a également été écrite la Lettre ouverte des tiers-lieux culturels du Grand Paris : construisons ensemble et localement la résilience, co-signée par 40 tiers-lieux d’Ile-de-France dont la Cité Fertile. Dans cette lettre, les tiers-lieux culturels du Grand Paris se disent unis et solidaires face à la crise sanitaire, pour construire ensemble la société d’après le 11 mai.

 

Pour conclure

Effet de mode et/ou réelle réactualisation de la pratique de l’aménagement, les tiers-lieux et plus largement les espaces transitoires tendent à se développer et à alimenter la construction d’une ville elle aussi en transition, une ville qui contribue à la coopération entre biens communs et acteurs économiques. Plus que de simples réserves foncières stratégiques, les délaissés offrent l’opportunité de faire avec l’existant dans un milieu déjà saturé de construction, et de rendre la ville plus accessible.

Créer un langage commun

Si l’urbanisme transitoire se formalise dans la législation, les tiers-lieux transitionnels, en tant que tiers-lieux, restent encore réticents à toute forme de catégorisation. Pourtant, il semble nécessaire que l’ensemble des acteurs qui constituent l’écosystème des ces projets puissent se rejoindre dans le fond du propos. Pouvoirs publics, collectivités, partenaires privés, aménageurs, promoteurs immobiliers, urbanistes, artisans, activateurs, facilitateurs et citoyens, tous doivent pouvoir échanger et communiquer autour du projet bien qu’ayant chacun une approche et une fin propre à eux même.

 

« Apprendre à parler le même langage, comprendre les contraintes de l’autre et dégager des intérêts communs; ce temps d’ajustement -nécessaire entre des acteurs dont les méthodes de travail diffèrent du tout au tout ! – a permis aux activateurs de s’emparer de l’opportunité offerte d’inscrire leur actions dans l’horizon de long terme du projet urbain. »

Cécile Diguet

 

La transformation de l’action publique est au cœur de la possibilité d’une réappropriation citoyenne de la fabrique urbaine et territoriale, et c’est par une compréhension plus fine des enjeux des projets transitoires que cette transformation se construira au mieux.

Penser en mouvement

Pour dépasser la notion de tiers-lieu, Raphaël Besson propose le concept d’espaces transitionnels, qui contrairement aux tiers-lieux considèrent la transition non comme un état transitoire mais comme un état permanent. Faire transition, c’est dépasser les dichotomies classiques pour provoquer de la friction, du débat, de la nuance. Plutôt qu’être dans un entre-deux, l’espace transitionnel se régule et s’adapte en continu au contexte dans lequel il évolue. Selon lui, «l’objet des tiers-lieux est-il de fabriquer des hommes adaptés aux transitions, prêts à accepter des dilemmes complexes et des conséquences inquiétantes, plutôt que des individus en mesure d’agir de manière autonome et active sur ces transitions?»

Le tiers-lieu est un concept en mouvement qui se réinvente en continu face aux transitions qu’il porte. Tracer un chemin vers de nouveaux modes de travail, de vivre, de nouveaux modes de gouvernance, de nouveaux rapports humains, économiques, tant de possibles dont les tiers-lieux se saisissent et qui, dans les faits, sont difficilement objectivables.

Les temps longs et “vides” des projets d’urbanisme doivent être repensés, en articulant ces temporalités étendues par des projets transitoires intensifiant la compréhension des enjeux, et ainsi, donner plus de sens au projet urbain.


1. A l’origine, et encore aujourd’hui, beaucoup de friches industrielles ou bâtiments délaissés servaient de squat, militant et/ou répondant à un besoin d’hébergement. Le sujet est évoqué dans  le podcast “Pourquoi tant de friches?” sur France Culture [en ligne].

2.  Dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, pollution, pandémies, etc

3. Programmation urbaine : aménagement, construction de la ville et de ses usages.

4.  Ces temps morts  de l’activité humaine sur un espace peuvent se trouver être des temps de vie à d’autres échelles comme par exemple pour le monde animal et végétal.

5. C’est l’anthropologue et spécialiste de l’interculturel américain Edward T.Hall qui développe ces notions de rapport au temps monochronique et polychronique dans les années 90.

6. Un urbanisme de l’inattendu, Patrick Bouchain

7. Est Ensemble est un EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) regroupant les communes de Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville.

8. Plus de détails dans le dossier Qui sont les Pantinois? du journal Le Canal [en ligne] https://fr.calameo.com/read/000240869f274cf24a561

9. L’Etat veut implanter de l’activité économique dans les quartiers de la Seine-Saint-Denis, Berbedj Loana, Les Echos, 25 mars 2021 [En ligne]

10. Pourquoi tant de friches? Entretien sur France Culture [En ligne]


RÉFÉRENCES

Ouvrages

BOUCHAIN Patrick, Un urbanisme de l’inattendu [2019], Marseille, éditions Parenthèses, 2019

MURATET Audrey et CHIRON François, Manuel d’écologie urbaine [2019], Dijon, Les Presses du Réel, collection Al Dante

Articles 

DIGUET Cécile, RODRIGUEZ Diego, MARZILLI Gianluca, «Urbanisme transitoire en Ile-de-France, tendances actuelles et nouveaux regard sur la région», Institut Paris Région, 12 mars 2020 [en ligne] https://storymaps.arcgis.com/stories/875d71609a484ad8a90e5ddb6ad0ec40

DIGUET Cécile, «Fabrique urbaine et réappropriation citoyenne : l’urbanisme transitoire comme ruse ? », Revue Sur-Mesure, 28 mai 2020,  [En ligne] revuesurmesure.fr/issues/reprendre-la-ville/fabrique-urbaine-et-reappropriation-citoyenne-lurbanisme-transitoire-comme-ruse

«ZAC éco quartier de la Gare de Pantin», Est Ensemble, [en ligne] https://www.est-ensemble.fr/ecoquartier-de-pantin

DIGUET Cécile, «L’urbanisme transitoire. Optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ?», Institut Paris Région, 24 janvier 2018, [en ligne]

https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/lurbanisme-transitoire/

«Les projets urbains qui feront 2021», Canal : le journal de Pantin, n°293 janvier-février 2021, [en ligne] https://fr.calameo.com/read/0002408691076f1bcc74b

BESSON Raphaël, «Pour des espaces transitionnels», HAL Archives Ouvertes, 2018 [en ligne] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01865934/document

«Manifeste de la permanence architecturale», La preuve par 7, 16 octobre 2015, [en ligne] https://lapreuvepar7.fr/wp-content/uploads/2019/10/Hyperville_ActesPermanenceArchitecturale_WEB.pdf

HERMANT Louise,  «La ville de demain existe déjà», Usbek&Rica, 9 mars 2017, [en ligne]

https://usbeketrica.com/fr/article/la-ville-de-demain-existe-deja

«Lettre ouverte des tiers-lieux culturels du Grand Paris : construisons ensemble et localement la résilience», 7 mai 2020, [En ligne] https://www.groundcontrolparis.com/wp-content/uploads/2020/05/Lettre-ouverte-Tiers-Lieux-Grand-Paris-1.pdf

«La Cité Fertile de Pantin : les tiers-lieux ne sont pas qu’une affaire de bobos», Usbek&Rica, 14 aout 2018 [en ligne] https://usbeketrica.com/fr/article/la-cite-fertile-de-pantin-les-tiers-lieux-ne-sont-pas-qu-une-affaire-de-bobos

Urbanisme transitoire, le Sens de la Ville [en ligne] https://lesensdelaville.com/recherches/urbanisme-transitoire

«L’urbanisme transitoire, un paradoxe plein d’avenir», Demainlaville, Pop up Urbain, 1 avril 2020 [en ligne]  https://www.demainlaville.com/lurbanisme-transitoire-un-paradoxe-plein-davenir/

«La transition, un levier de développement pour les quartiers populaires», Institut Paris Région, 8 avril 2021, [en ligne]  https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/la-transition-un-levier-de-developpement-pour-les-quartiers-populaires/?#

CALVINO Antoine, «Les friches, vernis sous la rouille», Le Monde diplomatique, avril 2018, [en ligne]  https://www.monde-diplomatique.fr/2018/04/CALVINO/58538

Vidéos, podcast

«Pourquoi tant de friches? », entretient avec COUSIN Saskia, LAISEY Simon et VATINEL Stéphane, France Culture, 28 aout 2018, [en ligne] https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-dete/pourquoi-tant-de-friches

«L’architecture doit s’inscrire sur le temps long», entretient avec BOUCHAIN Patrick, France Culture, 2 juin 2018, [en ligne] https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-idees-de-la-matinale/patrick-bouchain

Sites Web

La Cité fertile : https://citefertile.com/

Sinny&Ooko : https://www.sinnyooko.com/

La Preuve par 7 : https://lapreuvepar7.fr/la-preuve-par-7/

In Seine-Saint-Denis : https://tierslieux.inseinesaintdenis.fr/

UNICEF, Objectifs de développement durable : https://www.unicef.fr/dossier/objectifs-de-developpement-durable-odd


Ils font la Cité Fertile : Ophélie Damblé et Ta Mère Nature

ILS FONT LA CITÉ FERTILE :

OPHÉLIE DAMBLÉ ET TA MÈRE NATURE

 

Depuis juillet 2020, Ophélie Damblé, alias Ta Mère Nature, a établit ses quartiers à la Cité Fertile pour créer un laboratoire d’expérimentation autour de l’agriculture urbaine, en animant une pépinière de quartier, des ateliers pour petits et grands, et des contenus digitaux.

De quelle manière Ta Mère Nature s’engage-t-elle pour le développement durable ? 

Ta Mère Nature a commencé en 2017, au moment où j’ai raconté mes péripéties de conversion en vidéo. J’ai en effet décidé de tout plaquer pour apprendre à faire pousser les légumes. Je suis passée par des formations, des stages chez des maraîchers, du woofing … et j’ai souhaité le partager au plus grand nombre afin de donner une idée de ce que peut être le parcours vers un métier lié au développement durable 

Je travaille aujourd’hui dans l’agriculture urbaine, j’ai créé une pépinière de quartier à la Cité Fertile, dans laquelle je produis des plants comestibles et accueille les petit.e.s et grand.e.s en atelier et formation. Je continue de communiquer sur la végétalisation urbaine à travers divers supports : les vidéos, les réseaux sociaux mais également des livres. Mon discours est de dire qu’il ne faut pas hésiter à « se planter ». Certes, il ne suffit pas de manger bio pour sauver la planète, mais chaque petit acte peut tout même avoir des conséquences significatives à différentes échelles : soi, les proches; puis sur la société toute entière.

 

Comment Ta Mère Nature contribue à l’activité du territoire de Seine-Saint-Denis et de la ville de Pantin en particulier ? 

La création en juillet 2020 de cette pépinière à la Cité Fertile s’inscrit dans la volonté de développer la présence du végétal dans le 93 et la ville de Pantin, ainsi que son accessibilité pour tous.tes. J’accueille une grande richesse de publics : des élèves de primaires et collèges du 93, les maisons de quartiers, entreprises et associations à proximité du site. Un écosystème de gens très différents qui peuvent se rencontrer, échanger et créer des synergies. Par ailleurs, mon projet est de promouvoir toutes les actions spontanées de végétalisation urbaine initiées par les citoyens. Le 93 est un vaste territoire sur lequel il y a encore beaucoup d’initiatives à imaginer pour valoriser et protéger le végétal sur les prochaines années à venir.

cite fertile Pantin

Qu’est-ce que la Cité Fertile vous permet d’expérimenter ?

Je vois ce projet un laboratoire d’expérimentation autour de l’agriculture urbaine, avec l’idée de cultiver la biodiversité, transmettre de manière ludique et produire de façon responsable et locale. J’y expérimente de nouvelles pratiques culturales (en refusant par exemple d’utiliser de tourbe pour mon terreau, qui est une ressource non renouvelable. Je le remplace par du compost issus des déchets verts de la ville), divers formats d’ateliers et formations que j’adapte en fonction des publics (exemples : atelier « potions magiques » pour les enfants, atelier d’impression végétale pour les adultes et initiation au métier de pépiniériste pour les adolescents). La programmation culturelle de la Cité Fertile, me permet également d’imaginer des interactions entre nature et culture, en invitant par exemple des artistes à s’emparer de la serre. C’est très précieux qu’un tel tiers-lieux de cette envergure puisse exister !